J'ai deux types de problèmes : urgents et importants. Les urgents ne sont pas importants, et les importants ne sont jamais urgents.
Dwight D. Eisenhower
En matière de gestion du temps, un outil est souvent mentionné par les "experts" d'internet.
La matrice d'Einsenhower ressurgit à intervalles régulier dans des publications motivationnelles sur LinkedIn et Facebook comme solution miracle à nos problèmes d'organisation.
A ce jour, je n'ai pourtant presque jamais vu une de ces publications motivationnelles expliquer correctement à quoi servait vraiment la matrice, et comment elle nous aidait à réellement organiser nos journées.
Il est temps de corriger cette lacune.
La matrice d'Eisenhower
La citation de ce début d'article est attribuée à Dwight D. Einsenhower, général de la seconde guerre mondiale et plus tard président des Etats-Unis. Il l'aurait déclaré dans un discours prononcé en 1954 devant la Deuxième Assemblée du Conseil œcuménique des Églises.
L'ancien président américain Dwight D. Eisenhower, qui citait le Dr J. Roscoe Miller, président de la Northwestern University, a déclaré : "J'ai deux types de problèmes : les problèmes urgents et l'important. L'urgent n'est pas important, et l'important n'est jamais urgent."
On dit que ce "principe d'Eisenhower" est la façon dont il a organisé sa charge de travail et ses priorités.
Histoire
Si les notions d'urgence et d'importance sont souvent attribuées à cette citation d'Eisenhower, on notera toutefois qu'il ne parle pas de 4 types de tâches, comme dans la matrice, mais de deux : urgente et importante.
Dans son livre, Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu'ils entreprennent, Stephen Covey formalise la matrice en combinant l'importance et l'urgence. C'est là que nous passons de deux types de tâches à quatre.
Il l'utilise pour décrire la troisième habitude: "Put first things first", ou "Commencer par le commencement". Je laisse la version originale, car je ne trouve pas la version française très parlante. Je traduirais plutôt par "Commencer par le plus important", puisque les "first things"ne désignent pas le commencement, mais les éléments les plus importants.
Important
Une tâche est considérée comme importante si elle contribue à réaliser notre mission, appliquer nos valeurs, nous rapprocher de nos objectifs. Selon qu'on soit dans un cadre professionnel ou personnel, l'importance peut donc recouvrir différentes chose.
Dans un cadre professionnel, il faut se reporter à la mission qui nous incombe au sein de l'entreprise. Ce qui est important pour nous ne l'est pas forcément pour d'autres, et inversement. Il faut toutefois prendre garde à ne pas devenir aveugle, à rester dans son silo. Si une tâche ne nous permet pas directement d'accomplir notre mission, elle peut toutefois être importante pour l'entreprise.
Le point-clé est de comprendre qu'une tâche est importante car elle permet d'avancer vers des résultats.
Urgent
Une tâche est urgente car elle demande notre attention, maintenant.
Un appel téléphonique est urgent. Nous devons répondre immédiatement. Si nous ne répondons pas, la tâche ne sera pas réalisée. L'appel est-il important ? Pas forcément.
Une tâche est ainsi urgente lorsqu'elle s'impose à nous et que nous devons y réagir.
Une tâche n'est pas urgente lorsque nous devons être pro-actifs pour la réaliser.
Les quadrants
En croisant ces deux catégorisations d'importance et d'urgence, nous arrivons à quatre quadrants.
Jusque là, pas de soucis. C'est comme cela que j'ai toujours vu décrite la matrice. C'est un outil simple pour apprendre à prioriser ses actions. Le souci, c'est que comme tous les outils, il n'est pas toujours utilisé comme il devrait.
La présentation motivationnelle
La facilité de publication des réseaux a multiplié les messages motivationnels. La matrice d'Einsehower s'est ainsi frayé un chemin et est devenu l'un des outils de "time management" les plus souvent présentés.
Typiquement, la publication expliquera comment son auteur a solutionné ses problèmes d'organisation en notant ses tâches dans la matrice et en les traitant en fonction du quadrant où elle se trouve. Ce qui est urgent et important doit être fait tout de suite, ce qui est important mais pas urgent doit être planifié. Le reste, ça dépend, mais on trouve souvent deux catégories pour le non important : déléguer et éliminer.
Pourquoi ça ne marche pas ?
La beauté de ces publications, c'est qu'elles donnent l'illusion que l'organisation personnelle, c'est simple. Il suffit de définir les tâches urgentes et importantes et de les réaliser tout de suite.
C'est merveilleusement simple.
Pourquoi n'y a-t-on pas pensé plus tôt ?
Hé bien le problème, c'est que justement, tout le monde y a pensé plus tôt ! Tout le monde sait qu'il faut s'occuper des tâches importantes et urgentes tout de suite. Elles sont importantes, donc il faut s'en occuper. Elles sont urgentes, donc il faut s'en occuper tout de suite.
En appliquant la méthode présentée, c'est à dire en listant ses tâches, puis en faisant tout de suite tout ce qui est urgent et important, on se retrouve vite avec une répartition où le quadrant I devient le quadrant dominant.
Ce qui est même pire, c'est que souvent, on n'a pas bien clarifié ce qui était vraiment important, et tout ce qui est urgent devient important par défaut. Nous passons ainsi également beaucoup de temps dans le quadrant III, tout en pensant être dans le quadrant I.
Quel va être le résultat pour un cadre qui passe son temps dans le quadrant I ?
Il va avoir la tête sous l'eau. Il va toujours courir derrière les problèmes. Il se dirige vers le burn-out.
La matrice d'Einsenhower ne va pas l'aider : il était déjà probablement en train de traiter les tâches urgentes et importantes avant. La matrice va juste le décourager un peu plus en lui montrant qu'il n'y a pas d'issue...
Quel est le but de la matrice ?
La matrice est un outil pour poser un diagnostic, pas pour prioriser son travail.
Dans la plupart des situations réelles auxquelles j'ai pu assister, le cadre ou dirigeant concerné n'avait pas vraiment de problème à identifier ce qui était important. Parfois, il fallait creuser un peu et éliminer certaines tâches pas si importantes que ça, mais dans l'ensemble, il était assez clair sur ce qui était important au moment de l'analyse.
Son problème était qu'il avait une majorité de tâches importantes ET urgentes, qui ne pouvaient pas attendre. Et il se retrouvait surmené. Typiquement quadrant I.
Ce que nous voulons, c'est qu'au niveau du cadre, ses tâches se répartissent uniquement parmi ce qui est important, et le plus possible dans des tâches non urgentes, qu'il contrôle. L'idée est d'être le plus pro-actif possible, donc de moins en moins réactifs face aux urgences. Nous voulons passer l'essentiel de notre temps dans le quadrant II.
Nous ne pourrons jamais complètement éliminer le quadrant I. Toutefois, nous pouvons le minimiser.
C'est facile à représenter. C'est plus difficile d'y arriver.
Mon approche lors des coachings
Dans ces situations, la première étape est de comprendre que la matrice est là pour poser le diagnostic. Elle ne sert pas à grand chose en soi pour prioriser les tâches.
Clarifier la mission personnelle
La seconde étape est de clarifier ce qui est important.
Pour cela, il faut regarder quel sont son rôle et sa mission dans le cadre de l'entreprise. Tout ce qu'il peut faire qui contribue à accomplir la mission correspondant à son rôle est important.
Il convient aussi de noter ce qui peut être important pour l'entreprise, mais pas forcément pour le cadre, à son niveau. Ces tâches ne sont peut-être pas importantes pour lui, mais on ne peut pas juste les éliminer.
Documenter (le DILO)
Ensuite, il faut des données pour poser le diagnostic et quantifier.
Le plus simple est ce qu'on appelle un DILO (Day in the life of...). C'est une activité fréquente dans le conseil, où on passe toute une journée avec un employé pour voir tout ce qui lui arrive. Dans le cadre d'une volonté d'améliorer son organisation personnelle, je conseille toujours de faire un auto-DILO.
Le cadre va noter absolument tout ce qu'il fait dans la journée, dans un fichier simple à trois colonnes : heure de début, activité, commentaires.
Aucun jugement ici. Nous voulons juste une observation aussi réelle que possible. Ce n'est pas encore le moment de corriger.
Classer
En fin de journée, chaque activité est classée. Nous allons y mettre des catégories (par exemple rattacher à des projets), mais surtout, pour chacune, la classifier en fonction de son urgence et de son importance.
Comme nous l'avons vu, nous aurons trois niveaux d'importance : important pour le cadre à son poste, important pour l'entreprise, pas important.
Nous aurons deux niveaux d'urgence : urgent (c'est arrivé et il a du y réagir, ou bien c'était planifié mais sans possibilité de décaler), pas urgent (j'ai décidé et j'aurais pu, si besoin, décaler).
Créer et suivre un plan d'action
Ensuite, il va falloir de la créativité. C'est pour cela que cela passe souvent par un coaching. Si c'était facile, tout le monde serait hyper-productif !
Voyons quelques pistes :
- Parmi les activités du quadrant I, quelles sont celles que je peux transférer, dans le temps, dans le quadrant II ?
- Parmi les activités du quadrant III, quelles sont celles qui peuvent être éliminés simplement ? Par exemple, un téléphone qui sonne : quelles règles adopter pour y répondre ?
- Parmi les activités des quadrants III et IV, quelles sont celles qui sont importantes pour l'entreprise mais pas directement pour moi ? Comment les attribuer aux bonnes personnes ?
- Quelles actions je dois commencer dans le quadrant II qui peuvent m'aider à réduire la taille du quadrant I (quitte à ce que ça me prenne plus de temps à court terme) ?
La liste est en réalité très longue. Chaque situation est différente.
Le point le plus important, c'est que la matrice en elle-même ne sert à rien pour optimiser son temps. C'est le plan d'action qui résulte du diagnostic qui donnera des résultats !
Avez-vous l'impression que les méthodes de gestion du temps vous prennent plus de temps qu'elles ne vous en font gagner ?
Vous sentez-vous souvent comme un hamster dans sa roue, à trimer comme un fou, sans voir autant de résultats qu'espérés ?
C'est parce que les méthodes de gestion du temps ne marchent pas !
Mais alors, que faire ?
C'est que nous présentions dans notre atelier "La gestion du temps, ça ne marche pas" (l'anti-gestion du temps), que vous pouvez voir gratuitement.
Revoyez gratuitement notre atelier gratuit "La gestion du temps, !a ne marche pas" (l'anti-gestion du temps).